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«Cabinet noir». les griefs flous et sans fondement de la fillonie

Par Renaud Lecadre — 27 mars 2017 Ă  20:16

Six parlementaires proches de François Fillon ont alerté ce lundi le parquet sur des faits supposés délictueux qu’auraient commis le président Hollande et son entourage. Des accusations fondées sur le livre controversé «Bienvenue Place Beauvau»… qui n’apporte souvent aucune preuve.

Des accusations floues, souvent à côté de la plaque, voire contre-productives. Mais parfois aussi visant justes. Lundi, le Figaro a dévoilé le contenu d’un courrier signé par six parlementaires fillonistes, alertant le parquet sur divers délits pénaux commis selon eux par la hollandie au pouvoir en vue de plomber l’alternance. Ils l’ont fait au titre de l’article 40 du code pénal, qui fait obligation et devoir à tout dépositaire de l’autorité publique (les parlementaires en sont) de dénoncer tout fait supposé délictueux - mais sans plus de certitude… Les signataires (Philippe Bas, Bruno Retailleau, Christian Jacob, Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse et Luc Chatel) se contentent, pour l’essentiel, de qualifier en termes pénaux quelques extraits du livre Bienvenue Place Beauvau (lire aussi page 7), rédigés par des journalistes dont deux du Canard enchaîné. Sans preuve ou élément supplémentaire, si ce n’est leur volonté d’allumer un contre-feu à la mise en examen de François Fillon. Gros problème du dispositif. l’ouvrage en question apporte très rarement les preuves de leurs accusations tout en insinuation… Seule initiative pénale potentiellement dommageable pour le pouvoir en place, la plainte sur le point d’être déposée par Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, qui à elle seule permettrait de décortiquer un éventuel cabinet noir. Revue des sujets qui fâchent.

Des accusations précises… …et floues à la fois

La fillonnie a révisé promptement son code pénal, dégainant des termes plus infamants les uns que les autres. «association de malfaiteurs», «corruption», «trafic d’influence», «atteinte à la vie privée». Et last but not least s’agissant d’un supposé cabinet noir. «divulgation intentionnelle de données confidentielles»… Mais si leur courrier collectif ne s’est guère trompé sur le ou les délits correspondants, les extraits du livre visés ne permettent guère de les valider. Par exemple, à l’appui de «l’association de malfaiteurs», en pratique réservée aux mafieux et trafiquants de drogue, les fillonistes citent un extrait du livre mentionnant «l’existence d’une structure clandestine aux ramifications complexes», au conditionnel dans le texte et sans plus de précision que des témoignages anonymes. Il en faudrait un peu plus au Parquet national financier (PNF) pour ouvrir une enquête pénale. De même, quand les auteurs du livre citent Hollande lâchant un «Sarkozy, je le surveille, je sais tout ce qu’il fait», les fillonistes traduisent par «divulgation intentionnelle de données confidentielles». En gros, ils le soupçonnent d’alimenter le Monde, mais sans la moindre preuve.

Haro sur Beauvau

Les auteurs du livre citent un vieux routier de la police à propos d’écoutes téléphoniques (lire ci-contre), sans la moindre datation. «Quand on branche une personnalité, on sait que les infos récoltées vont remonter en haut lieu.» Indignation des fillonistes, qui traduisent une nouvelle fois par «divulgation intentionnelle de données confidentielles». Mais sans viser les locataires successifs du ministère de l’Intérieur (Sarkozy, Baroin, Valls, Cazeneuve, Le Roux…) potentiellement visés. Avant d’être obligés de convenir, comme les auteurs, que la remontée plus ou moins officielle des affaires sensibles ne passe plus par la place Beauvau mais plutôt par la chancellerie: «La source dont Manuel Valls profitait s’est asséchée, il n’est plus qu’un tigre de papier. Les informations les plus sensibles ne passent plus par ce canal trop contrôlé», écrivent d’ailleurs les journalistes. Qu’à cela ne tienne, les fillonistes maintiennent à ce titre leur accusation. Pour mémoire, François Fillon aura voté contre la loi de 2013 proscrivant les instructions écrites de la chancellerie au parquet sur les enquêtes pénales en cours.

Scud contre Sarkozy

«Sous Sarko, notre patron, Bernard Squarcini, avait déjà l’information sur le compte [en Suisse] de Cahuzac au printemps 2012.» Ainsi parle aux auteurs du livre un ancien ponte du renseignement. Mais le texte des fillonistes ne vise manifestement que Manuel Valls, pour «non-dénonciation de crime ou délit». Idem pour un pataquès remontant à 2006, quand Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, à propos d’une chasse aux islamistes ayant dégénéré en traque des sources de journalistes en charge du secteur.

Balles dans le pied

On ne résiste pas à cet extrait du livre, que les fillonistes traduisent en «trafic d’influence». il est question de l’épouse de Valls, musicienne financée par un «mystérieux homme d’affaires» et un «ancien de la Françafrique». Il suffit de remplacer Anne Gravoin par François Fillon, puis de désigner Fouad Makhzoumi et Robert Bourgi…

Un autre encore. les fillonistes évoquent un «trafic d’influence» à propos de la remise de la Légion d’honneur, en 2014, à la magistrate ayant préalablement mis sur écoutes Sarkozy. Prière de ne pas songer à Marc Ladreit de Lacharrière, décoré par Fillon… avant embauche de Penelope et prêt personnel à François.

Vraie affaire PĂ©cresse-Bartolone

Reste une anecdote pour le coup très circonstanciée, narrée dans Bienvenue Place Beauvau. En pleine campagne des régionales en Ile-de-France, les auteurs rencontrent un ponte de la préfecture de police qui apprend (et leur apprend par conséquent) que le fils de Valérie Pécresse aurait été arrêté avec quatre petits grammes de cannabis. Information bénigne mais qui remonte illico en haut lieu. «Quarante minutes plus tard, alors que nous prenions congés du policier, c’est à notre tour de recevoir un SMS. un des collaborateurs de Claude Bartolone [le concurrent PS de Pécresse aux régionales, ndlr] est en train de faire le tour de ses contacts journalistiques pour les mettre au courant de l’interpellation, avec force détails.» Ce n’est pas l’affaire du siècle, mais chaque boule puante semble alors bonne à prendre. De quoi valider l’existence d’un authentique cabinet noir, fût-il chargé de très très basses manœuvres. L’avocat de Valérie Pécresse est sur le point de déposer une plainte pénale, avec cette fois une vraie victime identifiée et un modus operandi. «Si le livre dit vrai, à quel niveau cette information concernant un jeune homme libre et majeur est-elle sortie du tuyau pénal en violation du secret de l’enquête ?» s’interroge M e Thibault de Montbrial. Avant de prophétiser. «Si le parquet veut ensuite se poser la question des fuites systématiques, ce sera avec plaisir.»

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